« Comment prenez-vous vos décisions? » – Atelier

Jeudi 21 avril dernier, les liens entre économie collaborative et territoires étaient à l’honneur lors de l’événement Sharing Lille. Au milieu des discussions sur le renouvellement de la démocratie, des formes de mobilités ou de la troisième révolution agricole, nous avons proposé l’ atelier “Comment prenez-vous vos décisions?”.

Cet atelier avait pour objectif de questionner la façon dont s’organisent les personnes au sein d’une équipe et d’une structure et d’explorer d’autres modèles d’organisation. Les participants ont pour cela expérimenté par le jeu.

Différents stades d’organisations ?

Dans son livre Reinventing Organizations, Frédéric Laloux observe l’évolution du mode d’organisation des entreprises depuis l’ère tribale jusqu’à l’ère capitaliste pour décrire l’émergence d’une nouvelle tendance, celle de l’évolutionisme. En effet, les modèles d’organisation des humains et des entreprises en particulier évoluent, ainsi que le style de management associé, de rouge – impulsif, ambre – conformiste, orange – compétitif, vert- coopératif à opale – évolutionnaire. Les entreprises qui fonctionnent selon ce modèle “opale” tentent de se développer sur le modèle de la nature, celui d’une croissance au fil des opportunités et d’une raison d’être bien enracinée. Abandonnant l’idée de prévoir et de contrôler un monde qui change en permanence, ils ont opté pour l’observation et la réponse (“sense and respond”) aux événements qui ponctuent la vie de leurs entreprises. On découvre dans ces organisations une culture de la confiance, de la gratitude et de la quête de sens.
Frédéric Laloux a enquêté sur 12 entreprises de plus de 100 employés pour constater la récurrence des pratiques qui s’appuient sur 3 piliers : l’auto-gestion, la raison d’être évolutionnaire, et “wholeness” – que l’on pourrait traduire par l’authenticité de l’être. Parmi les organisations étudiées se trouvent AES, 40 000 employés du secteur de l’énergie, Buurtzorg, 7000 employés (santé), Patagonia, 1350 employés (habillement), etc.

L’originalité de cette démarche nous pousse à réfléchir à quel stade en sont nos entreprises. Les modèles d’organisations qui prédominent aujourd’hui sont les modèles ambre – conformistes, fondé sur l’ordre et la morale, du type des organisations religieuses, orange – compétitif fondé sur l’efficacité et la rationnalité, fonctionnement majoritaire des multinationales et le modèle vert – coopérative fondé sur la coopération et le consensus, comme des coopératives ou des entreprises souvent engagés dans des dynamiques de Responsabilité Sociétale des Entreprise.

Expérimentation en atelier

Les deux groupes constitués lors de l’atelier ont respectivement incarné une société de promotion immobilière, et l’équipe municipale d’une petite ville, dans des paradigmes organisationnels différents, face à des situations proches.

La société de promotion immobilière était pendant la première partie de l’atelier une belle représentation du modèle “orange”, en quête de croissance, de performance et d’innovation au service de parts de marché, structurée avec une hiérarchie classique. A la machine à café ou en réunion de travail, les participants, ont endossé des rôles  (responsable du marketing, des Ressources Humaines etc.), et joué certaines situations, telles qu’une perte de marché ou une opportunité.
En parallèle, un groupe de participants jouait une réunion municipale d’une petite ville fictive engagée dans le respect de son environnement et l’attention portée aux habitants et collaborateurs. Jouant des personnages, les participants proposaient  à l’ordre du jour des situations pour lesquelles il s’agissait de prendre des décisions, comme par exemple le remplacement d’une centrale électrique, le départ d’une employée ou encore la détérioration d’équipements municipaux.
Mais comment prendre des décisions, lorsque les valeurs de la mairie s’appuient sur le consensus et l’égalité? Chaque situation a amené les participants à approfondir les causes et à débattre des meilleures solutions. Au bout d’une quarantaine de minutes de “réunion”, l’ordre du jour n’avait pas été entièrement exploré et les solutions ne semblaient pas toujours très satisfaisantes ni pragmatiques. Les participants ont confié vivre régulièrement ce type de réunion.

Dans un deuxième temps, les deux groupes ont exploré ce que donneraient ces situations dans un mode opale – évolutionniste (tout en restant dans leurs organisations respectives). Après un court recentrage pour vivre ce que Frédéric Laloux appelle “wholeness”, les participants ont ouvert la réunion en partageant leur émotion du moment. Curieux, fatigués ou enthousiastes, ils ont l’un après l’autre présenté leurs situations, encouragés par les facilitatrices. Chaque situation a ensuite été traitée avec les questions suivantes : quel petit pas ou action peut être entrepris pour résoudre cette situation ? Ce petit pas a-t-il résolu la tension?
Partir du principe que chaque décision permet une avancée dans la direction d’une résolution et que cette décision peut être améliorée lors de la prochaine réunion, facilite le processus et le rend plus rapide. Les situations se sont enchainées et au bout de quarante minutes, les participants ont savouré le fait d’avoir traité chacune des situations et d’avoir une vision globale des tâches et actions de chacun.

Qu’ont apporté ces mises en situations et expérimentations?

Elles ont permis d’illustrer les différences dans les relations interpersonnelles et les postures au sein des différents modèles. Puis d’envisager une manière autre d’aborder les différentes situations et décisions que les entreprises doivent prendre. Ils ont pu expérimenter des manières à la fois plus structurées et efficaces, laissant plus de place à l’écoute des autres et l’écoute des valeurs, des opportunités et de la raison d’être de l’entreprise. Les participants ont pu positionner leur organisation dans l’échelle de cette évolution, même si bien entendu, il y a la plupart du temps des nuances ; une organisation est rarement totalement “verte” ou “orange”.

Cet avant-goût leur a donné envie d’aller plus loin dans l’exploration d’autres façons de faire ensemble, et de tester des pistes concrètes dès leurs prochaines réunions d’équipe!

 

Facilitatrices et co-rédactrices de cet article

Marie-Anne Bernasconi – Facilitatrice en développement de projets entrepreneuriaux collaboratifs – Estrelab

Maud Richet – Consultante et facilitatrice en Economie et Organisations Collaboratives –  maudrichet.info

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